Max Wipperling
Cote 766 - Panneau 1

Site d’histoire et de mémoire de la cote 766

Site d’histoire et de mémoire de la cote 766

Considérées comme un front secondaire pendant la Grande Guerre, les Vosges ont pourtant été le théâtre d'une multitude de combats acharnés entre 1914 et 1918. Chaque sommet ou chaque col devient alors l'enjeu d'une lutte sans merci, dans laquelle soldats français (dont des tirailleurs sénégalais, en 1917, ou indochinois, en 1918), puis américains, comme allemands, ont payé un très lourd tribut à la guerre. Face aux contraintes du milieu vosgien, le poilu s'est mué en bûcheron, en terrassier et en montagnard, donnant ici à la guerre de tranchées des caractéristiques tout à fait originales.

Dans ce type de guerre, l’axiome militaire « qui tient les hauts tient les bas » trouve la plénitude de son sens. Ainsi, la conquête puis la conservation des points hauts sont des objectifs majeurs. C’est le cas des cotes 607, à l’échelle de la vallée du Bleu, et 766, entre Lusse et Wisembach. Même si ce dernier point n’est qu’un objectif secondaire (il permet de contrôler les débouchés des ravins de la Parriée et de la Chaige), il va catalyser l’acharnement des troupes dans ce secteur pendant toute la durée de la guerre.

Carte simplifiée des positions allemandes - front de Lusse à Wisembach avec au centre la Cote 766
Cote 766
Plan directeur de tir allemand - front (ligne bleue) de Lusse à Wisembach avec au centre la Cote 766
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Pourquoi la Cote 766 ?

Lorsqu’à la fin de l’été 1914 les troupes se fixent et débutent une guerre de position qui va durer jusqu’en novembre 1918, l’utilisation des points d’altitude mentionnés sur les cartes d’Etat-major va donner naissance à leur appellation officielle dans les communiqués. Ainsi, ce champ de bataille devient la Cote 766 pour les Français. Les Allemands utilisent pour ce secteur l’appellation Chena Wald.

 

Légende : Bois du Chena et Cote 766 vus depuis Wisembach (Cliché anonyme – ca 1919 – fonds Jean-Claude Fombaron)

 

 

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Première ligne française

Côté français comme côté allemand, le réseau de tranchées et d’abris de la Cote 766 est d’une grande densité. Aujourd’hui retourné à la nature, il faut imaginer le système labyrinthique comme une succession de tranchées, de boyaux, de postes de guet et de créneaux de tir, avec en avant plusieurs lignes de défense métalliques (fils de fer lisses ou barbelés, réseau Brun, queues de cochon, chevaux de frise, etc.) qui interdisaient le cheminement en dehors de la tranchée comme son approche.

Légende : Tranchée française dans les Vosges – 1915 – (cliché anonyme - fonds Jean-Claude Fombaron)

Quelques éléments de terminologie

Les réseaux de fil de fer : Ils constituent une défense accessoire du champ de bataille et sont composés d’une multitude de procédés. En certains points du champ de bataille, ces réseaux étaient électrifiés.

Exposé à l’action destructrice de l’artillerie, omniprésente en montagne, l’accès à des abris souterrains doit être permanent pour les combattants du champ de bataille. Deux modèles étaient présents sur la Cote 766 : la sape couverte et l’abri-caverne.

766, une guerre à l’isolement pour la frontière

Après la cristallisation du front, à partir de fin septembre 1914, de nouvelles troupes vont s’affronter dans ce secteur. S’y succèdent de multiples combats, prises de positions stratégiques et implantations, plus ou moins violentes, pour la prise de sommets et de points hauts devenus des enjeux sensibles au cours des semaines suivantes. Là, de nouvelles unités vont s’affronter. Du côté français, ce secteur de montagne, éloigné des grands centres urbains et parfois même du moindre village, demande des troupes aguerries : les chasseurs alpins. C’est donc aux 13ème, 22ème et 28ème BCA à qui l’on va confier la conquête et l’organisation de ce paysage. Ils vont s’opposer aux régiments de Landwehr n°71, 80 et 81 du général major Gynz von Rekowsky. L’enjeu n’est pas seulement la conquête d’observatoires mineurs puisque perdus dans une zone exclusivement composée de sommets et de ravins à perte de vue ; 766 est une guerre pour protéger la frontière du Reichsland.

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Première ligne allemande

Après avoir traversé le no man’s land, distant ici de quelques dizaines de mètres, l’aspect actuel de la première ligne allemande témoigne mal aujourd’hui de la diversité radicale d’organisation des tranchées entre les deux belligérants. La densité des abris bétonnés, qu’ils soient superficiels ou profondément enterrés, résulte du principe que le soldat ne doit pas avoir à parcourir plus de quelques dizaines de mètres dans la tranchée avant de trouver un lieu pour se protéger en cas de bombardement.

Légende : Tranchée allemande dans le secteur de 766 – ca 1915 (cliché anonyme – fonds Jean-Claude Fombaron)

Organisation intérieure d’une tranchée allemande dans les Vosges

La conquête des sommets de 766

«  A partir du 12 septembre 1914, le bataillon ayant à son centre Ban-de-Laveline, détache plusieurs compagnies aux avant-postes, sur les différentes routes et sentiers menant à la frontière, dans le secteur de Sainte-Marie. Temps épouvantable, pluie discontinue. L’ennemi ne se montre pas et réagit seulement par son artillerie sur les carrefours » précise l’historique du 13ème B.C.A. Toutefois, la possession des routes ne suffit pas ; il faut conquérir les sommets qui surplombent le moindre axe de communication entre les villages et les fermes isolées comme le moindre chemin qui part vers la frontière. Les jours suivants, le 13ème BCA multiplie les patrouilles, sonde le terrain occupé par les troupes allemandes qui agissent de même au départ de Sainte-Marie-aux-Mines. Episodiquement, des combats de patrouilles émaillent ces coups de sonde, menés en direction du fond du vallon du Blanc Ruisseau, vers le secteur des Bois du Chena. Le 22 septembre, deux compagnies (les 2ème et 4ème) parviennent ainsi à établir une ligne précaire de troupes occupant la crête du Bois du Chena mais, subit, dès le lendemain une attaque allemande qui, faute d’une densité suffisante de défenseurs, enfonce la ligne de résistance. Les soldats français se battent jusqu’à l’épuisement de leurs cartouches, le commandement (sous-lieutenant Barraud) est terrassé et les survivants rejoignent les renforts prévus par le 30ème BCP et établissent une nouvelle ligne de défense en crête. Dès lors, le bataillon occupe une ligne en arc de cercle de trois kilomètres, en sous-bois de montagne pour la plupart des sites conservés, entre la Cote 607 et Wisembach. A la fin du mois d’octobre s’opère la violente offensive du Violu ; les troupes du 13ème BCA en profitent pour rétablir la ligne de défense de crête qui relie le Dansant de la Fête au sud et les Yraux au nord du vallon du Blanc Rupt. La situation se cristallise alors et débute une autre guerre ; la bataille des tranchées de sommets.

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Stèle des Bavarois

Le monument du 12ème Bataillon d’Ersatz de Brigade Bavarois est le seul témoignage restant du petit cimetière situé à proximité immédiate de la ligne de feu en face de la Cote 766. Il a été érigé par la première compagnie de cette unité à l’été 1915 et comportait à l’origine une douzaine de sépultures. La pierre ornée d’une croix de fer qui surmonte le monument pyramidal n’est pas la croix originelle ; elle provient d’une autre sépulture récupérée lors de la vidange de ce cimetière pour transférer les corps dans la nécropole franco-allemande de Bertrimoutier, située au pied du champ de bataille, ou au cimetière de Montgoutte près de Sainte-Marie-aux-Mines, dans les années 1920. Deux nécropoles champêtres monumentales regroupant les officiers et les soldats allemands tombés dans le secteur Cote 607 – Cote 766 se trouvaient au nord (cimetière de Lusse - La Parriée) et au sud (Les Yraux) du massif du Bois du Chena.

Légende : Monument des Bavarois (cliché anonyme – août 1915 – fonds Jean-Claude Fombaron)

Max Wipperling
Vue hivernale du cimetière de La Parriée - 1915 (cliché Max Wipperling – fonds Yann Prouillet)
Vue du « village » bavarois et du cimetière des Yraux (Cliché anonyme – fonds Jean-Claude Fombaron)

Le front sur 766 se met en place

La ligne de défenses va bientôt se mettre en place sur un axe est de Wisembach, pente sud du bois du Chena, sommet du Bois du Chena, Collet des Yraux, Cote 766. Le secteur se prolonge ensuite vers le nord vers le Réduit des Chasseurs et la Cote 607 ; il est confié jusqu’en juin 1916 à la 132ème brigade du général Sarrade, dont les régiments (251ème, 253ème et 343ème) avaient pour recrutement les villes d’Albi, Perpignan et Castelnaudary, et le 51ème R.I.T. de Franche-Comté. Côté allemand, les positions dites de la Cude, dans ce secteur appelé « Leber », qui comprend la partie conquise des Yraux, sont confiées à la brigade von Ferling qui comprend les Hessois du 80ème L.I.R. (Landwehr Infanterie Regiment) et des Bataillons d’Ersatz (B.E.B. 58 et 84 (Badois) et 82 (Alsaciens)) puis jusqu’à la fin de la guerre à des unités bavaroises. L’hiver 1914-1915 sera tout entier consacré à l’organisation de cette ligne de défense. Dès février 1915, des opérations d’envergure contre ces positions, accompagnées de tentatives d’infiltrations dans la ligne encore discontinue entre 607 et 766, sont montées par les troupes allemandes, appuyées des pionniers de Landwehr wurtembergeois.

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Abri - caverne

L’occupation du champ de bataille par les troupes bavaroises dans le secteur mixe abris enterrés et abris bétonnés de différentes tailles, reliés par le système de tranchées. Dans les secteurs les moins exposés aux obus français, ces abris souterrains jouxtent ou sont établis sous des cantonnements en bois dont certains sont de véritables petites villas. La vie souterraine est d’autant plus intense et salvatrice que le combattant se rapproche de la première ligne.

Légende : Entrée d’un abri souterrain allemand dans le Bois du Chena (cliché anonyme – 1915 – fonds Jean-Claude Fombaron)

Max Wipperling
Intérieur d’un abri allemand dans les Vosges (cliché Max Wipperling – 1915 – fonds Yann Prouillet)

Février 1916

L’opération Nachtigall

En février 1916, afin de faire diversion et de masquer la préparation de son offensive sur Verdun, l’état-major allemand programme d’importants coups de main sur des fronts secondaires. Dès le début du mois, l’activité de l’artillerie est intense de part et d’autre. Le 4, à la Petite Chaume, le L.I.R. 80 déplore de fortes pertes. Le 9, les positions françaises du Réduit et particulièrement la crête 766 sont bombardées systématiquement et avec une rare violence. Le 10 et le 11, les obus ne cessent de pleuvoir et les dégâts sont sérieux. Les tranchées, les boyaux de 766 et du Réduit sont bouleversés. Les liaisons deviennent difficiles et périlleuses pour les chasseurs à pied qui occupent le secteur, face aux Bavarois de l’Ersatz Infanterie Regiment 5 de la 39ème Reserve Division.

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Infirmerie

Cette ambulance regroupe les blessés issus des postes de secours des premières lignes sur 766. C’est ici que sont traités les blessés les plus graves avant leur transport au village des Yraux en contrebas, soit par convoi sanitaire, soit par le biais du funiculaire. Là-bas se trouve l’infirmerie régimentaire et le logement des médecins.

Légende : Ambulance hippomobile d’une compagnie sanitaire de Landwehr bavaroise – Vosges – 1915 – Fonds Jean-Claude Fombaron

Max Wipperling
Intérieur d’une ambulance allemande enterrée dans les Vosges (cliché Max Wipperling – 1915 – fonds Yann Prouillet)

L’enfer se déchaîne à 766

Le 12 février 1916 se déclenche une opération baptisée du nom de code « Nachtigall » (Rossignol). Une soixantaine de pièces d’artillerie et de nombreux minenwerfer bombardent, durant 5 heures, la Cote 720 (Fensterberg) et les positions françaises entre la Cote 766 et le Bois du Chena. L’action est confiée aux soldats bavarois (B.E.B. 1, 2 et 9) et dirigée par le lieutenant-colonel Ertl, commandant le 5ème régiment d’Ersatz bavarois.

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Abri bétonné

Aujourd’hui, l’apparence des abris allemands de l’immédiat arrière-front n’est plus celui des années de guerre. Ceux-ci, le plus souvent enterrés, étaient recouverts de bois pour en augmenter le camouflage et la protection contre les obus. Cet élément, destiné à verrouiller les pentes nord du collet des Yraux, servait également d’abri pour les troupes en cas de bombardement.

Légende : Soldats allemands devant un abri dans le secteur de 766 (cliché anonyme – 1915 – Fonds Jean-Claude Fombaron)

Max Wipperling
Intérieur d’un abri bétonné allemand dans les Vosges (cliché Max Wipperling – 1915 – fonds Yann Prouillet)

L’enfer se déchaîne à 766

Au matin du 12 février 1916 règne un épais brouillard qui limite la vue des guetteurs à quelques mètres. Malgré tout, l’artillerie allemande déchaîne son feu sur les positions fixées à l’avance, attirant en représailles les tirs des pièces françaises et des crapouillots. Le bombardement dure effectivement cinq heures comme prévu. A 3 heures précises de l’après-midi (heure allemande), les canons reportent leurs tirs vers l’arrière des lignes françaises de manière à encager le secteur et d’interdire toute arrivée de renforts en même temps que toute retraite de soldats présents en première ligne. La patrouille 1 du secteur du B.E.B. 2 (commandant Bedall) est conduite par le sous-lieutenant de réserve Schröder de la 2ème compagnie. Un groupe et demi de fantassins et quatre pionniers la suivent. Peu avant l’emploi du feu roulant par les Français, la patrouille s’est avancée dans le brouillard sans se faire repérer par les guetteurs. Les barbelés, quasiment intacts malgré le bombardement, sont coupés à la pince et les Bavarois font irruption dans la tranchée de la Cote 766 avant que les chasseurs aient eu le temps de sortir de leurs abris. Une mêlée s’engage entre le petit groupe du sous-lieutenant Schröder et quelques Français. Le chasseur Musquinier de la 3ème compagnie du 120ème B.C.P. est blessé de trois balles et reçoit un coup de crosse, deux autres de ses camarades sont mis hors de combat ainsi que deux blessés. Des renforts étant accourus, la patrouille se retire alors, couvrant sa retraite en jetant des grenades. Outre le sous-lieutenant Schröder, les Bavarois déplorent deux blessés et deux morts.

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Station haute du funiculaire

Le relief montagneux rend difficile la circulation des lourds convois nécessaires à une guerre industrielle, grande consommatrice de matériaux, d’armes et de munitions. Les Vosges voient ainsi se développer un réseau très complexe de routes (comme la célèbre « route des Crêtes » du côté français), voies ferrées, funiculaires, téléphériques et câbles transporteurs, indissociables de la guerre de montagne. Pour alimenter le plateau de 766, les Allemands doivent acheminer matériels et munitions depuis Sainte-Croix-aux-Mines. Démarré en 1915, ce réseau appelé Eberhardtbahn, en l’honneur du général de division Magnus von Eberhardt, commandant le XVe corps de Réserve, se prolongeait par le funiculaire des Yraux, doté de 300 mètres de pente, dont on trouve ici la station haute terminale. Le téléphérique de la Chaume de Lusse (Drahtseilbahn) servait dans le sens descendant à évacuer les blessés dans le Val de Lièpvre.

Légende : Câble transbordeur dans les Vosges (cliché anonyme – 1915 – Fonds Jean-Claude Fombaron)

funiculaire forestier dans les Vosges (cliché anonyme – 1915 – Fonds Jean-Claude Fombaron)

L’enfer se déchaîne à 766

« Pendant ce temps, les patrouilles 2 (Koester) et 3 (Stanglmayr) ont progressé de trous d’obus en trous d’obus sous les tirs des chasseurs. Elles sont prises de flanc par les tirs de mitrailleuses et de mousqueterie et ne peuvent atteindre leur but. Malgré le déluge d’obus qui s’est abattu sur les positions durant cinq heures, les abris et les barbelés n’ont subi que des dégâts minimes. Deux patrouilles du B.E.B. 1 réussissent, en revanche, à pénétrer dans les lignes et à y capturer deux chasseurs, mais elles doivent se retirer sous des tirs croissants. Quant à celle qui opère à l’aile droite du B.E.B. 9, elle tombe sur des positions avancées bouleversées et, apparemment inoccupées. La nouvelle est communiquée rapidement à la compagnie de pointe. Aussitôt, opérant une jonction, une partie de la 3ème compagnie (capitaine de réserve Frobenius) et la 2ème compagnie (capitaine de réserve Otto Müller) se précipitent. A ce moment, des Français se montrent aux entrées des abris ; les Bavarois ne leur laissent pas le temps de faire usage de leurs armes : l’un après l’autre, ils sont sortis des abris et c’est ainsi que 28 chasseurs du 121ème B.C.P. prennent alors chemin de la captivité ». Jean-Claude Fombaron in 1914-1918. Sainte-Marie-aux-Mines, ville du front.

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Blockhaus détruit

La tranchée est un fossé profond au tracé sinueux afin d’éviter les tirs en enfilade, organisé pour le tir des armes de l’infanterie. Elle est constituée d’un parapet, dirigé vers l’ennemi et d’un parados, formant le bord opposé, qui peuvent être creusés d’éléments de diverses fonctions (créneaux, postes pour tireurs ou guetteurs, etc.), ou de sapes, abris souterrains destinés à protéger le soldat des projectiles de gros calibres. Elle peut être couverte de matériaux divers (bois, tôles ou poutrelles) pour augmenter la protection des bombardements de petits et moyens calibres ou pour éviter la pénétration de l’ennemi par le dessus. Elle peut aussi être équipée de grillages placés verticalement ou en panneaux couvrants afin d’éviter le jet à l’intérieur d’explosifs (grenades, pétards, etc.). La Cote 766 a perdu son caractère muséal de champ de bataille tel qu’il peut encore être perçu sur d’autres grands sites de mémoire des Vosges (Chapelotte, Fontenelle, Linge ou Hartmannswillerkopf).

Légende : Abri bétonné intégré dans une tranchée allemande dans les Vosges (cliché Max Wipperling – hiver 1915 – Fonds Yann Prouillet)

Max Wipperling
Tranchée et abris allemands dans les Vosges (cliché Hans Hildenbrand – 1915 – Fonds Jean-Claude Fombaron)

L’enfer se déchaîne à 766

Les Français ont perdu 200 mètres de terrain, où se trouvaient leurs postes avancés. Une centaine de fantassins du B.E.B. 1 et 40 pionniers sous les ordres du sous-lieutenant du génie Seuring et du lieutenant Müller prennent alors en charge l’occupation de ce terrain conquis. Côté 102ème B.C.P., la réaction est immédiate. Le téléphone étant coupé, la signalisation optique impossible, l’alarme est portée par des coureurs qui traversent le tir de barrage pour prévenir le capitaine Hervieux, commandant le centre de la Croix-le-Prêtre. Rapidement, la 2ème compagnie du 120ème B.C.P., en réserve à Ban-de-Laveline, est envoyée en renfort avec des mitrailleurs. Quant au 253ème, qui devait relever les chasseurs à pied dans la nuit, il anticipe sa montée en ligne. Cette réaction permet de rejeter les patrouilles bavaroises après leur brève incursion. La position organisée par le B.E.B. 1 et les pionniers est prise sous un tir d’artillerie bien ajusté et dense provenant des pièces du Bois de Beulay et de Wisembach. La situation devenant de plus en plus intenable, le commandant Haussel, du B.E.B. 9, obtient du régiment l’autorisation de retirer ses hommes.

 

L’enfer de l’artillerie française pour les Allemands

« Lors des bombardements par mortiers, les explosions des torpilles résonnaient dans la vallée de manière effroyable : des morceaux de poutres tournoyaient en l’air, des épaulements et des fragments de parapets entourés de fumée noirâtre donnaient une image effrayante. Pour ceux qui étaient à proximité, cela signifiait qu’il fallait s’éloigner au plus vite, lorsque les projectiles montaient dans le ciel avant de s’abattre sur nos positions en les écrasant ». K. Hubel – L.I.R. 15.

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La tranchée

De multiples vestiges témoignent aujourd’hui encore de la densité des constructions intégrées au sein du labyrinthe des multiples lignes de défense du système de tranchées allemand. Si le rôle exact de chacune d’elle ne peut plus être précisément défini, toutes concourent à l’organisation du système de défense de la ligne de front en profondeur s’adaptant à la morphologie du terrain environnant. Pourtant, la vision actuelle de cette organisation ne témoigne plus que partiellement de ce système, le putrescible et l’élément humain, comme le restitue cette vision colorisée d’une tranchée de montagne dans les Vosges, ayant disparu du paysage.

Légende : Abri bétonné intégré dans une tranchée allemande dans les Vosges (cliché Aaron Spelling – 1917 – Fonds Yann Prouillet)

 

Aaron Spelling
Tranchée et abri allemands dans les Vosges (cliché Max Wipperling, série Kriegsbilder aus den Vogesen – 1915 – Fonds Jean-Claude Fombaron)

Bilan de Nachtigall

L’état-major du régiment et le Haut-Commandement, convenant que le but initial de l’opération Nachtigall était atteint, donnèrent leur aval à ce repli. Aussi, à la faveur de l’obscurité, qui arrive tôt en cette saison, les détachements avancés se retirent sans être remarqués, ce après avoir rendu les positions inutilisables. Ce retrait est totalement ignoré des Français qui continuent à bombarder les positions évacuées une bonne partie de la nuit. Le lendemain matin, les quelques tronçons de boyaux étant encore occupés par des Bavarois sont réoccupés, après quelques jets de grenades, par les chasseurs du 120ème B.C.P. Ces derniers évaluent leurs pertes à 12 tués, une trentaine de blessés (dont le lieutenant Pariselle très sérieusement touché), et 29 disparus, sûrement prisonniers. Quelques citations marqueront cette chaude affaire et le bataillon est relevé le 14 février. Les Bavarois tués lors de cette opération ont été inhumés au cimetière des Yraux. L’opération Nachtigall devait être la dernière d’importance dans le secteur du Bois du Chena.

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Poste de guet

Tenir le terrain tout en tentant d’observer l’ennemi est l’occupation principale du soldat allemand en première ligne dans ce secteur bouleversé de 766.

Légende : Poste de guet d’une tranchée allemande dans les Vosges (cliché anonyme – 1917 – Fonds Jean-Claude Fombaron)

Guetteur au créneau dans un secteur bouleversé des Vosges (cliché Max Wipperling, série Kriegsbilder aus den Vogesen – 1915 – Fonds Jean-Claude Fombaron)

1917-1918, histoire d’un secteur calme

Verdun, lieu de saignée de l’armée française et d’épuisement disproportionné de l’armée allemande, institue dans le fonctionnement de l’occupation des secteurs du front une profonde modification et instaure le « tourniquet ». Les troupes « endémiques » quittent le secteur qui les avait vues arriver pour certains à la cristallisation du front de septembre 1914. Dès lors, toute opération avec des troupes peu aguerries à la guerre de montagne, et souvent venues en ligne pour se reconstituer après les pertes subies dans les unités par les attaques des secteurs de Verdun ou de la Somme, devient difficile à monter avec efficacité. Pourtant les Vosges ne sont jamais tranquilles : « Le tonnerre du canon et des Minen grondait toujours, le craquement des grenades, le crépitement des mitrailleuses et le claquement des fusils faisaient sans cesse entendre leur bruit lugubre. Ce n’étaient cependant que les tirs habituels qui s’intensifiaient un jour et diminuaient le lendemain. Ces tirs se soldaient journellement par un certain nombre de victimes qui, à la longue, se chiffraient par centaines et remplissaient de plus en plus, les cimetières du front ». « Curieux secteur que celui des Vosges où les coins idylliques et « pépère » comme Wisembach et le Bois du Chena, voisinent avec les plus grincheux comme 766 et 607. Ceux-ci se distinguent par le grand choix de leurs torpilles et la variété de leurs coups de mains ; et les quelques fûts de sapins qui les couronnaient encore ont vite fait de disparaître » selon des témoins allemand et français en secteur.

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Poste de tir

Les doctrines, française comme allemande, d’occupation de la ligne de feu vont évoluer au fur et à mesure de la guerre. Délaissant l’occupation massive de la tranchée dans les premières années de guerre, le commandement, afin d’éviter les ravages de l’artillerie, décide de ne plus laisser en première ligne que quelques petits postes d’observation chargés de signaler tout mouvement de l’ennemi afin de prévenir ses attaques. A partir de 1917, devant cette évolution de l’occupation de la tranchée, chacun des belligérants va tenter dans les Vosges de monter des « coups de main » chargés de faire des prisonniers et d’obtenir ainsi des renseignements sur « ceux d’en face ».

Légende : Poste de tir bétonné d’une tranchée allemande dans les Vosges (cliché anonyme – 1917 – Fonds Jean-Claude Fombaron)

Tireur au créneau dans une tranchée des Vosges (cliché Max Wipperling – 1915 – Fonds Yann Prouillet)

1918, quand les Américains apprennent la guerre à 766

Les Américains arrivent en ligne dès avril 1918, date à laquelle les officiers se forment à la guerre de position et de montagne. Le 14 juillet, la 5ème division se transporte dans le secteur de Saint-Dié. La 9ème brigade quitte sa zone d'entraînement de la région d'Arches et la 10ème brigade arrive directement de ses positions du secteur d'Anould.

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Observatoire

Lorsque l’observation dans la tranchée est rendue trop périlleuse du fait des luttes d’artillerie incessantes, des tourelles d’observation blindées, connectées au réseau souterrain qui permettait de relier les abris et observatoires situés à l’immédiate proximité, sont installées en bordure du no man’s land, face à l’ennemi. L’état dans lequel cet équipement se trouve aujourd’hui n’est pas dû à l’action de l’artillerie mais à un ferraillage réalisé après-guerre.

Légende : Guérite observatoire française dans les Vosges (cliché anonyme – 1918 – Fonds Gilbert Wagner)

Minenwerfer allemand dans une position souterraine des Vosges (cliché anonyme – 1915 – Fonds Jean-Claude Fombaron)

Les Américains dans le secteur de 766

Début juin 1918, après les officiers, c’est la troupe qui intègre le front pour apprendre ce qu’est une guerre. La 5ème division, formée au camp Logan de Houston au Texas, est mise à la disposition de la 21ème division française et répartie dans la haute vallée de la Fave :

- 60ème R.I.U.S en binôme avec le 64ème R.I. français avec pour Q.G. Ban-de-Laveline.

- 61ème R.I.U.S avec le 93ème R.I. avec pour Q.G. la Croix-aux-Mines.

- 11ème R.I.U.S avec le 137ème R.I. avec pour Q.G. Plainfaing.

Leur rôle se limite au départ à participer aux patrouilles en secteur puis à monter des opérations de coups de main, en liaison avec l’artillerie. Avec étonnement, les Sammies constatent l’organisation en forteresse du front, avec ses tranchées, abris et arrières particulièrement bien agencés. Dès lors, ils se familiarisent avec des matériels et des conditions de combat spécifiques, apprennent le rôle primordial de l’observation, de la topographie et la dangerosité de la 1ère ligne.

Le matin du 17 juin, 54 Sammies des compagnies G et H du 60th R.I.U.S. prennent position sur 766, en compagnie de 60 poilus du 64ème R.I. Ils sont aussitôt confrontés à une attaque d’envergure : sur un front de 800 mètres s’abattent 450 obus à gaz (diphosgène) de Minenwerfer, 2000 obus au phosgène, et des projectiles d’artillerie plus classiques, explosifs ou à shrapnels. Les américains déplorent 19 gazés, 8 blessés par éclats et 3 morts, alors que les Français comptent quant à eux 16 gazés, 3 blessés et 7 morts.

Légende : Soldats américains en tranchée sur le front des Vosges (cliché anonyme – 1917 – Fonds Jean-Claude Fombaron)

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Blockhaus blindé

A 766, la vie quotidienne est souterraine en première ligne, dans des abris blindés de ce type. Certains d’entre eux sont très richement aménagés, notamment ceux des officiers, qui sont décorés avec soin.

Légende : Intérieur d’un abri blindé allemand dans les Vosges (cliché Max Wipperling – 1915 – Fonds Yann Prouillet)

Max Wipperling
Abri souterrain pour officiers dans les Vosges (cliché Max Wipperling – 1915 – Fonds Yann Prouillet)

Pour la troupe, certains abris de grande taille permettent des moments plus conviviaux.

Un Noël dans un abri souterrain pour la troupe dans les Vosges (cliché Max Wipperling – 1915 – Fonds Yann Prouillet)

Les Américains dans le secteur de 766

Le 12 juin, le 60ème R.I.U.S. prend possession des positions du secteur sud du bois du Chena (du Dansant-de-la-Faîte au Violu) avant de participer à la reprise du saillant de Saint-Mihiel à partir de septembre 1918.

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Poste avancé

A 766, quelques mètres de no man’s land, où la forêt a fini par disparaître entièrement, séparent les avant-postes des deux belligérants.

Légende : Poste avancé sur un champ de bataille des Vosges (cliché Max Wipperling – 1915 – Fonds Yann Prouillet)

Max Wipperling
Max Wipperling
Aspect de la première ligne allemande sur le front des Vosges (cliché Max Wipperling – 1915 – Fonds Yann Prouillet)

Un village-nécropole disparu : Les Yraux

Structuré à partir de 1916, le cimetière allemand des Yraux, près de Wisembach, constituait le centre d’un véritable village en dehors des cantonnements civils. Situé à contre pente, protégé de l’artillerie française, au-dessus de la ferme des Yraux, ses cantonnements abritaient les hommes du 5ème régiment d’Ersatz bavarois. Il regroupe les corps des hommes tombés dans le secteur du bois du Chena et de la Cote 766, notamment ceux tombés lors de l’opération Nachtigall du 12 février 1916. A deux pas de cette agglomération se trouvait également le terminus de la gare du funiculaire, ramification de la Lordonbahn, ainsi qu’un hôpital de campagne.

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Première ligne française

A 766, la première ligne française est d’abord un enchevêtrement hétéroclite de matériaux divers provenant de la vallée. Puis elle se catalyse autour de postes de défense dont certains seront bétonnés au fur et à mesure du temps. C’est autour de ses points de défense avancés que se cristallise la défense d’un point, comme le « Réduit des Chasseurs », qui fera l’honneur des communiqués.

Légende : Première ligne française dans le secteur de 766 (cliché anonyme – 1915 – Fonds Jean-Claude Fombaron)

Ce que l’on peut voir du champ de bataille en avant de la première ligne (cliché Loys Roux – 3 juin 1915 – Fonds Yann Prouillet)

Premiers jours à 766

« Dimanche 27 septembre 1914. Le poste de commandement est au carrefour de La Croix-du-Prêtre. Le poste de secours est à la ferme du Chapis. Devant nous, le Boche ne montre que peu d’activité. » « 1er novembre : Au lever du jour, une très forte attaque allemande se déclenche. (...) A travers les arbres, nous voyons les Allemands nous charger à la baïonnette, tandis que leurs fifres sonnaient la charge. Les balles nous sifflaient aux oreilles, et c’est d’extrême justesse que nous avons pu nous dégager et nous replier. C’est la seule fois, pendant toute la campagne, où j’ai vu de si près tant d’Allemands ». Docteur Gustave Houlbert – 13ème B.C.A.

 

 

La mémoire perdue de 766

Relevées dans les années 1920 par le service des sépultures militaires, les tombes regroupées dans les cimetières locaux sont regroupées à la nécropole de Montgoutte, à proximité de Sainte-Marie-Aux-Mines. Son entrée, monumentale, en forme d’arche était surmontée d’une croix de fer et flanquée de deux imposantes bornes comportant une dédicace « A nos héros ». Modèle d’œuvre monumentaire funéraire bavaroise, ses palimpsestes rappellent que les fronts-arrières sont aménagés par les troupes allemandes comme des lieux de vie communautaires destinés à hiérarchiser, organiser et pacifier les lieux de repos des troupes allemandes en ligne. Peu mobiles jusqu’en 1916, les soldats allemands dans les Vosges sont issus des classes les plus âgées. Aussi, leurs « cités », leurs monuments, mais aussi leurs cimetières prennent-ils dans ce secteur un cachet particulier.

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Cote 766 et blockhaus français

Cette vue de 766 illustre avec évidence l’enjeu stratégique de sa possession par les Allemands étant donné son rôle d’observatoire au centre de la Haute vallée de la Meurthe. Dès l’armistice signé, le plateau sommital, creusé et bouleversé, est abandonné, livré aux ferrailleurs, à quelques rares touristes et à la réemprise forestière.

Légende : Vue de la Cote 766 à l’immédiat après-guerre (cliché anonyme – ca 1918 – Fonds Jean-Claude Fombaron)

Les cimetières allemands, le patrimoine disparu d’un élément mémoriel et paysager majeur

Les autorités militaires allemandes sont aussi soucieuses du bien être du soldat en campagne en territoire ennemi, loin du Heimat. En juillet 1916, elles créent le Gräberverwaltung, service des sépultures, dont le rôle est d’identifier les tombes et d’en assurer l’entretien. Il se compose d’un officier disposant, outre du personnel idoine, d’un conseil artistique composé d’un sculpteur, d’un architecte et d’un paysagiste. Des ateliers de confection de croix et de pierres tombales et des équipes de spécialistes du jardinage font partie du dispositif. Le travail achevé, une section photographique est chargée de prendre des clichés des tombes qui sont envoyés aux familles qui reçoivent gratuitement l’image de la sépulture digne et bien entretenue du fils, du père ou du mari. Dans l’esprit des autorités, ce service doit éviter les demandes de rapatriement des corps qui risquent d’entraîner problèmes et critiques de la part des familles éprouvées. Que dire aussi de l’impact psychologique des trains de cercueils ramenés au pays. Dès lors, les tombes font partie de l’environnement immédiat du soldat. Elles contribuent à tisser un lien social et rappellent son pays au combattant. Même mort, le camarade et le compatriote demeurent présents dans un contexte maintenant apaisé. Au cimetière des Yraux, l’historien Jean-Claude Fombaron considère qu’il est « l’élément structurant d’un espace social, en l’occurrence ici un véritable petit village de soldats ». Les tombes font ainsi l’objet de soins d’entretien constants et de visites fréquentes. Leur fleurissement est le plus souvent assuré avec des gerbes ou des couronnes, confectionnées sur place à partir des ressources de la forêt vosgienne. Les soldats bavarois étant majoritairement catholiques, leurs sentiments religieux constituent un élément fondamental dans leur rapport à la guerre.

Légende : Extrait du plan directeur de tir français montrant les organisations françaises (en rouge) et allemandes (en bleu) à 766, dans le Bois du Chena et aux Yraux.

(Situation au 10 novembre 1918 – fonds Yann Prouillet)

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Ouvrage français

L’utilisation du béton n’est pas uniquement l’apanage des soldats allemands. Sur le front, des compagnies de cimentiers et des unités du génie participent à l’aménagement « lourd » du champ de bataille, soit en fortifiant des points cruciaux du front, comme sur le sommet de 766, soit en réalisant des abris techniques ou de commandement. Dès lors, ceux-ci deviennent des points de résistance qu’il convient de ne pas perdre, mais aussi des « nids à obus », cibles de l’artillerie adverse.

Légende : Guetteur français en première ligne au-dessus d’un abri en béton (cliché Loys Roux – 1916 – fonds Yann Prouillet)

Un patrimoine oublié

Dans les années de l’immédiat après-guerre, tombes et cimetières allemands abandonnés sont envahis par une végétation luxuriante. Certains sont mêmes livrés au vandalisme populaire. Lors du regroupement des corps dans des nécropoles, les exhumations s’accompagnent de bris de stèles et de monuments voire de leur récupération. Les sites, jadis occupés par ces cimetières forestiers, sont vidés de leurs tombes. Toute signalétique disparaît. Ceux qui sont encore apparents sont exceptionnellement mis en valeur. C’est le cas de l’ancien cimetière de l’Etang du Devin, rattachable au site de la Tête des Faux ou, plus récemment, celui du front-arrière de La Chapelotte. Il apparaît donc que le cimetière des Yraux, fortement dégradé aux cours des années récentes, est un lieu à redécouvrir voire un chantier archéologique en devenir qui, malgré son état, garde toute sa valeur représentative et mémorielle.

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Croix Le Prêtre

Selon la légende, la Croix Le Prêtre commémorerait la mort d’un curé de Wisembach tué par un loup en se rendant à Lusse. Toutefois, le terme de « loups » pouvait désigner également les brigands, les soudards itinérants ou les populations en déshérence pendant les guerres, et notamment celle de Trente ans. Pendant la Grande Guerre une chapelle forestière munie d’un clocheton et ornée d’une grande Croix de guerre en frontispice y était installée, attenante à un petit cimetière recueillant quelques dépouilles de chasseurs alpins.

Légende : Vue aérienne de Wisembach et de la vallée du Blanc (cliché anonyme – 12 août 1918 – fonds Jean-Claude Fombaron)

Vue aérienne de Wisembach et de la vallée du Blanc (cliché anonyme – 12 août 1918 – fonds Jean-Claude Fombaron)

Une Saint-Sylvestre à 766

« La neige se mit à tomber, jusqu’à 50 centimètres. Par-dessus mes sabots, je passais deux sacs de pommes de terre à chaque pied, que j’attachais avec une ficelle à hauteur des genoux, et que je changeais chaque jour. Ainsi, la neige ne pénétrait pas dans mes sabots, et j’avais toujours les pieds au sec. Dans notre abri, nous avions un bon poêle qui ne fumait pas et chauffait bien. Quel plaisir, lorsque nous rentrions de prendre la garde, que de pouvoir nous réchauffer à notre aise avant de nous coucher. Nous avions toujours quatre heures à dormir avant de reprendre la faction. Le 31 décembre, nous nous sommes rendus à la cantine, qui se trouvait dans les bois, à l’arrière. Nous en revenions avec une bouteille de bordeaux, un bidon de vin pour chacun, et quelques paquets de biscuits. Le jour de l’an – le premier que je passais en ligne – nous avons eu un cigare, une orange et une bouteille de champagne pour quatre. Ce premier jour de l’année fut bien arrosé, trop bien même pour certains. » Louis Bobier – 11ème B.C.A. – 1916-1917.

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Poste de commandement français

Dans tout combat, le maintien de la chaîne de commandement est primordial ; elle permet de recevoir les informations, par tout moyen possible en fonction du terrain et de la violence des combats (porteurs, téléphonie, pigeons, télégraphie optique, etc.), et la distribution des ordres en fonction des évolutions des combats, qu’ils soient offensifs comme défensifs. La protection de ce point est donc essentielle d’où la réalisation d’un vaste poste de commandement bétonné, enterré à quelques centaines de mètres de la première ligne.

Poste de commandement français enterré dans un secteur des Vosges (cliché Loys Roux – 9 septembre 1915 – fonds Yann Prouillet)

Loys Roux

Un téléphoniste à La Croix Le Prêtre

« 17 juin 1916 : Me voilà encore de nouveau dans le bois. Le sergent m’a envoyé relever un autre téléphoniste au PC... Nous sommes tout à fait bien installés ici. Nous sommes trois téléphonistes dans une pièce et personne n’a rien à voir avec nous... Si l’on est bien installé, c’est toujours sous terre, bien pire que dans des caves. 20 juin : ... Nous sommes très contents. C’est le meilleur poste... Nous avons ici 20 lignes qui rentrent à notre poste et nous sommes constamment en communication avec 12 postes. Tu parles si on écrit quelques bouts de papier dans un jour. On a de tranquille à peu près une heure le matin et une heure l’après-midi de libre. A part ce temps là, de 5 heures du matin à 10 heures du soir, on est continuellement avec l’appareil à l’oreille et le crayon à la main... On est constamment avec l’état-major... » Antoine Martin – 62ème B.C.A.

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Abri de surface français

A partir de 1915, la violence des bombardements sur 766 oblige le commandement à augmenter la protection des soldats en créant en fonction du terrain et de la physionomie du système de tranchées des abris bétonnés qui servent de point de résistance dans le système de tranchées, eux-mêmes dotés d’abris profondément enterrés.

Légende : Aspects du champ de bataille dans un secteur des Vosges (clichés Loys Roux – juin 1915 – fonds Yann Prouillet)

Quand la Grande Guerre crée son propre patrimoine

Avant même la guerre achevée, une concurrence mémorielle se met en place en place. Le 1er février 1921, l’architecte en chef des Monuments Historiques Jules Tillet rend à Paris les conclusions de son étude visant au classement d’infrastructures créées pendant le conflit comme « vestiges de guerre ». Il écrit : « Sont classés comme vestiges historiques de guerre à la montagne d’Ormont : observatoire et blockhaus, postes d’observation souterrain et aérien reliés entre eux par de puissants blockhaus ; roche d’Ormont ; observatoire au nord-est de Nayemont-les-Fosses ; Tête de Faulx champ de bataille ; Beulay, abri allemand pour projecteur ; Lubine, abri d’un général ; Malfosse poste de commandement de la scierie, forêt de Senones, trois bas-reliefs (œuvre de Sartorio) ; ouvrage du Mont Pelé. » Aucun ouvrage remarquable n’étant remarqué sur 766, et du fait de son accès difficile, le plateau mémoriel sombre peu à peu dans l’oubli.

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Point de vue sur l’Ormont

Un tourisme de Mémoire qui a oublié 766

Isolé des grands axes de communication, difficile d’accès en l’absence de routes permettant sa visite, le plateau mémoriel de la Cote 766, pourtant l’un des grands points de friction de la guerre de montagne en Déodatie, n’a pas fait l’objet d’une pratique massive du tourisme mémoriel. Concurrencé par d’autres grands sites plus emblématiques (La Chipotte, la Chapelotte ou La Fontenelle), le champ de bataille, ferraillé, est retourné au sauvage puis abandonné à la nature. Entre monument mémoriel, vestiges des formidables éléments de défense et traces des combats qui ont laissé ici leurs cicatrices, 766 est aujourd’hui l’un des grands sites de la Grande Guerre dans les Vosges restitués à la Mémoire commune.

Légende : Vue panoramique de la vallée de la Fave en direction du nord, du Beulay, de Frapelle et de l’Ormont (carte photographique d’origine allemande – cliché anonyme – juin 1915 – fonds Jean-Claude Fombaron)

Vue aérienne de la vallée de la Fave en direction du nord et de l’Ormont (cliché anonyme – 15 août 1918 – fonds Jean-Claude Fombaron) La ligne pointillée bleue indique la première ligne allemande, la ligne pointillée rouge la première ligne française
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